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Allocution de la vice-première ministre et ministre des Finances au gala des prix Tryzub

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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui au gala des prix Tryzub.

Après deux ans de pause en raison de la pandémie, nous nous réunissons dans un moment important pour l’Ukraine et l’avenir du droit international fondé sur des règles.

Cette fin de semaine, j’étais à Kyiv où nous avons – entre autres – annoncé la réouverture de l’ambassade du Canada.

J’ai constaté l’horreur et la destruction causées par la guerre illégale que mène Vladimir Poutine contre le peuple ukrainien.

Mais nous avons également rencontré le président Volodymyr Zelenskyy. Et le président Zelenskyy incarne la force, la ténacité et la résilience de toute une nation.

En se tenant debout pour sa liberté et sa démocratie, le peuple ukrainien se tient debout pour nous tous.

Et encore une fois ce soir, en étant réunis ici, nous démontrons que le Canada se tient debout au côté du peuple ukrainien.

Permettez-moi de vous raconter un épisode de notre voyage en Ukraine la semaine dernière.

Après les discours d’ouverture de notre premier ministre et du président Zelenskyy au cours de notre principale réunion bilatérale, le premier ministre s’est tourné vers moi et m’a demandé de dire quelques mots.

Et dans cette élégante salle de réception du palais Mariinskyi, en ma qualité de vice-première ministre du Canada, je me suis adressée au président de l’Ukraine et à ses ministres en ukrainien.

Comme je leur ai dit, j’ai tenu à le faire parce que le président Vlamidir Poutine a énoncé un objectif clair : rayer l’Ukraine de la carte et anéantir les Ukrainiens, ce peuple attaché à sa patrie.

Face à cette ambition génocidaire décomplexée, je trouvais qu’il était important que je m’adresse à mes homologues ukrainiens dans leur langue.

Je voulais qu’ils puissent dire que l’Ukraine est un État souverain reconnu à l’échelle internationale qui entretient des relations diplomatiques avec un partenaire du G7 en ukrainien. 

Bien entendu, lorsque j’ai parlé au gouvernement ukrainien en ukrainien, je m’exprimais au nom de bien des gens dans cette salle, pour toute la communauté ukraino-canadienne.

Je parlais au nom des parents qui conduisent leurs enfants qui souffrent depuis longtemps à l’école ukrainienne ici, à Toronto, tous les samedis.

Je parlais au nom des militants qui ont créé un programme ukrainien bilingue dans des écoles publiques comme celle où je suis allée, à Edmonton.

Et je parlais au nom de ces incroyables pionniers ukrainiens qui ont transformé les Prairies glaciales en terres agricoles fertiles, alors qu’ils vivaient dans des huttes de terre, et qui ont pris le temps d’apprendre à leurs enfants à danser et de fabriquer la magnifique pysanka qui se trouve à Vegreville et d’autres monuments dans l’Ouest.

J’aimerais donc commencer, ce soir, en saluant le travail acharné de nombreuses générations de dirigeants communautaires ukraino-canadiens – un travail que poursuivent tant de gens ici présents.

Et j’aimerais aussi saluer notre communauté ukraino-canadienne d’avoir contribué à l’idée même du multiculturalisme. Ce n’est pas un hasard si le premier ministre Pierre Trudeau a annoncé la politique sans précédent sur le multiculturalisme lors d’une réunion du Congrès des Ukrainiens Canadiens à Winnipeg en 1971.

Quand je me suis assise en face du président Zelenskyy et que je me suis adressée à lui en ukrainien à titre de vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, je l’ai fait en tant que fille de la communauté ukraino-canadienne et fille du multiculturalisme canadien.

À cette époque où certains doutent qu’il soit possible de faire coexister la diversité et la démocratie libérale dans nos sociétés, le Canada et sa politique en matière de multiculturalisme démontrent concrètement que c’est possible. Notre communauté devrait être fière de sa contribution à cette politique – sa contribution passée et actuelle.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots au sujet de l’un des invités d’honneur de ce soir – un homme qui est mon ami depuis longtemps et qui a été l’ami de ma mère, un homme que j’admire énormément : Tim Snyder.

Le voyage vers Kyiv fut très long, la fin de semaine passée. Le voyage en avion a été long, et celui en train encore plus.

J’avais apporté deux livres de Tim avec moi, Bloodlands et On Tyranny, pour m’aider à me préparer à mes rencontres et à penser à ce que j’allais vous dire ce soir.

Voilà donc trois raisons pour lesquelles l’œuvre de Tim est si importante – et ce fut difficile de me limiter à trois.

Premièrement, parce que Tim insiste pour dire que les faits sont importants, que la vérité est importante.

Tim nous explique pourquoi le travail de l’historien et celui du journaliste sont si fondamentaux pour la démocratie libérale; pourquoi l’un des principaux objectifs des tyrans et des tyrans en devenir est de créer un faux récit; et pourquoi les tyrans les plus ambitieux nient l’existence même de la vérité.

D’après Tim, abandonner les faits, c’est abandonner la liberté. Si rien n’est vrai, alors personne ne peut critiquer les gens au pouvoir, car il n’y a aucune base sur laquelle le faire.

Il s’agit là d’un constat essentiel. Ce constat s’applique non seulement à Vladimir Poutine, mais aussi à tous ceux qui cherchent à éroder de l’intérieur les démocraties libérales établies.

La deuxième grande contribution de Tim, et l’une des raisons pour lesquelles il est honoré par un si grand nombre d’entre nous ici ce soir, est que, en tant qu’historien et écrivain, vous placez les Ukrainiens au centre de notre propre histoire.

En tant que communauté, nous avons travaillé fort pendant de nombreuses années – et pendant de nombreuses générations, en fait – pour y parvenir. 

C’est pourquoi, en tant que communauté, nous avons fait de la création d’établissements universitaires et du financement du travail intellectuel une priorité.

Pourtant, pendant de nombreuses années, il s’agissait d’un effort solitaire, souvent regardé d’un mauvais œil par les penseurs ne faisant pas partie de notre communauté.

Mais Tim a toujours placé les Ukrainiens – et les Biélorusses, les Juifs et tous les autres sujets de ses ouvrages – au centre de leur propre histoire.

Ce faisant, il a contribué à jeter les bases intellectuelles d’un monde transformé dans lequel une Ukraine démocratique, pleinement responsable de son propre État, est le protagoniste de sa propre histoire; Ukraïna est aujourd’hui le héros qui va déterminer son propre avenir.

Troisièmement, l’œuvre de Tim est importante parce qu’il comprend le fonctionnement de la tyrannie et des démocraties libérales, du travail qu’on doit tous accomplir – et la façon dont on doit tous penser – pour résister à la première et faire progresser les secondes.

Tim soutient que dans les démocraties libérales, rien n’est permanent ou inévitable. Il sait que les démocraties libérales peuvent s’élever et qu’elles peuvent s’écrouler.

Ce qui m’amène à ma conclusion et à l’importance capitale de la guerre qui est menée en Ukraine aujourd’hui.

Mes rencontres avec le président Zelenskyy, avec le premier ministre Denys Shmyhal, avec Oleksandr Markushyn – le maire d’Irpin qui a orchestré la défense courageuse d’une ville où les Ukrainiens étaient minoritaires à huit contre un, mais n’ont pas cédé – m’ont personnellement confirmé une vérité fondamentale :

Comme le président Zelenskyy l’a dit en s’adressant à la Chambre des communes britannique, les Ukrainiens ne se rendront jamais.

Ils vont se battre aussi longtemps qu’il le faudra. Ils vont se battre et ils vont gagner.

Et ils doivent gagner.

Pour eux, la guerre est, littéralement, une lutte existentielle. Ils luttent pour leur vie, pour leurs maisons et pour leur liberté.

Cette lutte est beaucoup moins viscérale pour nous que pour eux, bien sûr. Toutefois, même si la menace physique est moins immédiate, la lutte n’en est pas moins existentielle pour nous ici, au Canada, comme pour toutes les démocraties libérales.

En cherchant à conquérir l’Ukraine, Vladimir Poutine cherche à renverser l’un des principes fondateurs de l’ordre international fondé sur des règles mis en place après la Deuxième Guerre mondiale – qu’il est interdit de modifier des frontières par la force et que la souveraineté nationale est inviolable.

Si Poutine réussit, nous allons retourner à la loi du plus fort. Nous retournerons tous à l’époque des terres ensanglantées.

On ne peut permettre que cela se produise, et c’est pourquoi l’Ukraine doit gagner. 

En cherchant à conquérir l’Ukraine, Vladimir Poutine cherche également à démontrer que la tyrannie peut l’emporter sur la démocratie. Il veut montrer – il doit montrer – que la tyrannie russe peut vaincre la démocratie ukrainienne.

Il veut aussi démontrer que la tyrannie russe peut défaire la démocratie canadienne, la démocratie américaine et la démocratie européenne, voire la notion même de démocratie. Il veut nous montrer qu’il est fort et que nous sommes faibles, qu’il a de la conviction et de l’endurance et que nous sommes incertains et facilement distraits.

Le président Poutine veut démontrer que la tyrannie fonctionne mieux – en tant que système politique, en tant qu’idéologie, en tant que machine de guerre – que la démocratie libérale. 

Nous ne pouvons lui permettre de réussir. Et nous ne le ferons pas.

Les Ukrainiens se battent pour leur démocratie, et ils se battent aussi pour la nôtre. Nous leur sommes très reconnaissants de mener notre combat – et de le faire avec tant de rigueur et de courage. En tant que ministre canadienne de la Couronne, je tiens à dire que c’est un honneur pour moi de pouvoir les soutenir – et de le faire en votre nom.

Nous continuerons de les appuyer en leur fournissant des armes et des fonds et en imposant des sanctions. Nous serons là aussi longtemps qu’il le faudra. Nous ne vacillerons pas. Nous ne nous laisserons pas distraire. Notre conviction et notre endurance sont indéfectibles.

Слава Україні!